Quand on se lance à son compte, on se dit qu’on va enfin être libre. Libre de ses horaires, de ses clients, de ses projets, de ses pauses-café trop longues. Et puis, quelques mois plus tard, tu te retrouves à répondre “oui” à tout : à ce client qui t’écrit un dimanche à 22h, à cette mission mal payée mais “rapide”, à cette amie qui veut “juste un petit coup de main”. Résultat ? Ton agenda est en PLS, ton sommeil aussi, et ton plaisir de travailler fond comme neige au soleil au mois d'août.
Spoiler alert : ce n'est pas tenable. Si tu veux durer en freelance, il va falloir apprendre un mot magique, tout petit, mais ultra-puissant : non.
Pourquoi c’est si dur de dire non quand on est freelance ?
Parce que derrière chaque “oui”, il y a souvent la peur du vide : “Et si je ne retrouve pas d'autres clients ?”, “Et si je me mets quelqu’un à dos ?”, “Et si on pense que je ne suis pas pro ?”, "Et si ce projet peut m'amener une grosse opportunité par la suite ?", "Et si...", "Et si...". Le problème, c'est qu'avec des scies, on coupe du bois, on ne fait pas tourner une boîte.
Ajoute à cette tendance au bûcheronnage, une petite touche de syndrome de l’imposteur (le fameux, l'incontournable) et une pincée de FOMO (Fear Of Missing Out), et tu obtiens une recette parfaite pour t’épuiser.
Ce qu'il faut comprendre, c'est dire oui à tout, c’est dire non à toi. À ton énergie. À ton envie. À ton week-end. À tes moments ressources qui te permettent de mieux replonger dans ton travail et sortir de beaux projets. À long terme, dire oui à tout, c’est contre-productif.
Apprendre à dire non : oui, mais à quoi ?
Pour durer en tant qu'indépendant, il faut donc apprendre à dire non. L'idée n'est évidemment pas de sortir des "non" à tout va et de refuser de belles opportunités, mais de s'entraîner à reconnaître les projets qui valent le coup, d'arrêter de se sous-vendre, de définir et poser des limites claires et d'écouter un petit peu plus cette petite voix intérieure qui a généralement raison.
Voici quelques exemples de cas fréquemment rencontrés dans une carrière de solo-preneur, qui méritent un joli, poli et ferme NON.
Cas concret n°1 : le client qui ne respecte pas tes horaires et tes limites
On a tous un client éveillé chronique, qui dort très peu et qui vit son projet matin, midi, soir, dimanche, jour férié. Aucun problème jusque-là. Ses habitudes personnelles et professionnelles sont les siennes. Là où cela devient problématique, c'est quand ce client pense que le reste du monde fonctionne ainsi, mais surtout quand on ne pose pas de limite claire sur nos temps de travail. Résultat, je lis et traite les mails que je reçois le samedi à 21h, pendant mon petit-dej ou le dimanche midi durant les repas en famille. Ciao les temps off et bonjour la pression en permanence.
Pour éviter cet épuisement prématuré, la solution est finalement toute simple : être transparent avec ses clients quant à ses temps de travail / de repos, et éventuellement mettre en place une clause les contrats, du type : “Les échanges se font du lundi au vendredi, entre 9h et 18h.” On peut aussi désactiver les notifications pro en dehors de ces horaires et créer des mails d'absence lorsqu'on est en congés.
Au début, la culpabilité peut taper à la porte, mais finalement dire non aux missions qui ne rentrent pas dans notre rythme et nos horaires, c'est très bénéfique. Le plus dur, c'est de s'autoriser à poser les limites. Car, au bout du compte, les clients respectent systématiquement nos horaires et notre rythme quand on s'autorise à les définir et les exposer clairement.
Cas concret n°2 : les prestations bradées
Tu connais ce genre de phrases : “On n’a pas de budget, mais on parlera bien de ton travail !”, “Tu pourras le mettre dans ton portfolio”, “C’est pour une super cause…”. OK, mais ta banque, elle accepte les likes en paiement ? (La réponse est non.)
Lorsqu'on se lance comme indépendant, on a tendance à accepter toutes les missions, à, se brader en divisant nos tarifs par deux dès qu'un client nous fait les yeux doux. Le problème, c'est que quand on finit par accepter de telles propositions, on se retrouve confronté à :
une estime pas super de soi
une image renvoyée d'un travail cheap et potentiellement peu qualitatif
la flemme de bosser pour un projet mal payé (et donc une motivation proche de zéro)
peu de temps à consacrer à de la prospection ou à des projets plus épanouissants et mieux payés
Vendre son travail une bouchée de pain, c'est non. Si tu rencontres ce genre de cas, ce que tu peux répondre : “Merci pour ta proposition, mais aujourd’hui, je réserve mon temps à des projets rémunérés. Je te souhaite plein de réussite !”. C’est à la fois poli, clair, et tu ne meurs pas d’avoir dit non. On aime aussi la version plus ironique : "Tu comprends bien que je ne peux pas travailler gratuitement.".
Cela dit, certaines propositions bénévoles, en échange d'une belle visibilité, comme une intervention dans un cercle professionnel reconnu, ou un partenariat avec un acteur local important, peuvent être de bonnes solutions pour commencer. Ce sont des bons moyens pour développer sa notoriété, combattre son syndrome de l'imposteur en étant reconnu comme légitime d'intervenir et on peut distribuer et recevoir pas mal de cartes de visites intéressantes. Idem, les projets coups de cœur à petit budget peuvent entrer dans le planning et nous apporter de la joie à travailler.
En fait, il suffit juste d'équilibrer la balance pour ne pas finir stressé devant son compte bancaire, avec un unique menu coquillettes durant la dernière semaine du mois.
Cas concret n°3 : le projet qui ne t’emballe pas du tout
Imaginons que tu adores les projets à impact, tu rêves de bosser pour des assos ou des structures écolos. Et là, on te propose un site e-commerce pour une marque de dropshipping qui vend des gadgets en plastique. Le devis est correct, mais rien que l’idée de t’y mettre te donne des sueurs froides.
Apprendre à dire non, c’est aussi écouter ton instinct et respecter tes valeurs. Ce projet n’est pas aligné avec toi ? Dis-le. “Merci pour la proposition, mais je ne suis pas la personne idéale pour ce projet. Je peux éventuellement te recommander quelqu’un si tu veux.” Tu ne dis pas non à la personne. Tu dis non à une mission qui ne te fait pas vibrer. Et ça, c’est sain.
3 astuces pour muscler ton “non” intérieur
Prépare des réponses-type : comme ça, tu ne bafouilles pas quand on te demande une faveur gratos. Tu as ta formule prête, claire, respectueuse.
Fais-toi un petit tableau “OUI/NON” : ce projet coche-t-il tes cases idéales (valeurs, budget, énergie dispo, timing) ? Si c’est un grand non dans 3/4 des cases, la réponse est évidente.
Rappelle-toi ton “pourquoi” : Pourquoi tu t’es lancé ? Pour être libre, pour kiffer tes journées, pour avoir du temps ? Alors aligne ton quotidien à cette vision. Le “non” devient un outil de cohérence.
Quand tu dis non à ce qui ne te convient pas, tu dis oui à ce qui t’élève. Oui aux projets qui te motivent. Oui aux clients qui te respectent. Oui aux pauses bien méritées. Oui à toi, tout simplement. Et tu sais quoi ? Dire non, c’est comme faire du gainage : au début, tu trembles, tu transpires, tu doutes. Et puis, à force de pratique, tu te muscles. Et tu tiens debout plus longtemps, plus sereinement.
Finalement, apprendre à dire non, ce n’est pas être dur ou capricieux. C’est avoir du respect pour ton énergie, ton temps et tes ambitions. C’est choisir où tu veux mettre ton talent, ta créativité, ton cœur.
Alors vas-y, teste. Le prochain “non” pourrait bien être le plus grand cadeau que tu te fais à toi-même.
Cœur.