Le cap des 2 ans chez les indépendants

Crocool

5/16/20256 min read

focus photography of woman hand with peace sign
focus photography of woman hand with peace sign

Il y a un truc qui revient souvent dans mes discussions avec d’autres freelances, au détour d’un café, d’un coworking ou d’une visio un peu à rallonge : le fameux cap des deux ans. Cette étape un peu floue, mais franchement marquante, où on sent que quelque chose change. On est toujours indépendant, oui, mais pas tout à fait comme au début. Plus tout à fait débutant, pas encore « senior du game », mais quelque part entre les deux. Une zone de transition où l’on commence à vraiment s’assumer. Et mine de rien, ça fait du bien.

Zoom sur ce tournant de la vie de solo-preneur et les prises de conscience qui vont avec.

Le début : la débrouille, les doutes, l'excitation

Revenons deux ans en arrière. Tu viens de te lancer. Tu as choisi ton statut, monté ton site (ou pas encore), bricolé une offre, créé ton premier devis en priant pour qu’il passe. Tu bosses peut-être avec ton réseau, des premiers clients venus un peu par hasard, tu dis oui à beaucoup de choses, parce qu’il faut bien commencer, parce que tu veux apprendre, parce que tu veux facturer. C’est normal. C’est même sain.

La première année, on tâtonne. On cherche sa place, sa manière de faire, on apprend les bases de l’administratif (spoiler : ce n'est jamais aussi simple qu’on le pensait), on teste des choses, parfois à côté de la plaque, parfois avec succès. On doute aussi. Beaucoup. On mange des murs. On fête des devis pas signés mais avec un accord de principe sauf que les devis ne signent jamais. On se fait avoir car on est gentil. On a de belles victoires. On doute encore. Souvent.

Tout le monde, par bienveillance j'imagine, nous demande "Comment ça va le boulot ?" ou "Et ta boîte, pas trop la galère ?". Ton cerveau répond "C'est l'enfer 1 jour sur 2". Ta bouche répond "Ouais au top !". Tu veux garder la face, prouver que tu as bien fait de quitter ce boulot qui ne te correspondait plus (et c'est vrai !). Et du coup, tu re-doutes. Toujours. Mais tu t'accroches car, en vrai, tu crois en ton projet (et ça, c'est le principal).

Bref, la première année, c’est une montagne russe d’énergie et de fatigue. Mais c’est le passage obligé. C'est en mangeant des murs (je ne parle pas du fruit) que tu apprends, que ton projet se précise, que ton assurance grandit. "C'est le métier qui rentre" comme dit tonton.

Deux ans plus tard : un autre regard sur soi

Et puis, sans trop savoir comment, tu arrives à ce fameux cap. Deux ans. Pas si long à dire, mais quand tu regardes dans le rétro, tu vois le chemin. Et surtout, tu sens que ton rapport à ton métier a changé.

Tu as encaissé des galères, des clients pas si sympas, des missions qui t’ont pompé l’énergie, des nuits blanches, des mois en dents de scie. Mais aussi des belles rencontres, des petites victoires, des moments de fierté à la fin d’un projet bien ficelé. Et tout ça, ça t’a construit.

Tu commences à mieux savoir ce que tu veux, mais surtout, ce que tu ne veux plus. Tu apprends à dire non. Tu poses tes limites un peu plus clairement. Tu as trouvé ton rythme (ou en tout cas, tu sais mieux quand il déraille). Tu assumes davantage ton style, ta méthode, ta valeur. Ce qui fait de toi, toi.

L’identité visuelle, le site, l’offre : tout à revoir ?

Ce qui est drôle, c’est que deux ans après le lancement en solo, beaucoup de freelances ressentent le besoin de refaire leur identité. Repenser leur site, changer leur logo, revoir leur offre. Comme un besoin de mettre à jour la façade pour qu’elle colle enfin à qui on est devenu (et pas la personne timide qui dit oui à tout du début).

Parce que, soyons honnêtes : quand on se lance, on fait souvent un peu avec les moyens du bord. Un logo canva (et on n'a rien contre cet outil génial hein !), un site bricolé un dimanche, des offres un peu fourre-tout. C’est normal, encore une fois. Mais au bout de deux ans, on a pris confiance. On veut un truc qui nous ressemble vraiment. On veut se reconnaître dans notre vitrine, et qu’elle parle aux bons clients.

Et ce besoin de cohérence, de clarté, c’est un vrai signal de maturité. Ça ne veut pas dire qu’on a tout compris, loin de là. Mais ça veut dire qu’on sait un peu mieux dans quelle direction on a envie d’aller. Et ça fait un bien fou.

L'offre se précise, la posture aussi

Avec l’expérience, on affine son positionnement. On n’a plus envie de dire oui à tout. On connaît ses forces, ses zones d’expertise. On sait ce qu’on aime faire, ce qu’on fait bien, ce qui nous fatigue. On a aussi des personnes ressources autour de nous sur qui on sait qu'on peut VRAIMENT compter. Avec qui on est complémentaire, avec qui on peut partager nos ressentis sans jugement et vers qui on peut se tourner en cas de surcharge de travail ou de besoin. Et ça change tout dans la manière de construire son offre.

Tu te surprends à refuser des missions qui t’auraient fait bondir de joie il y a encore un an. Non pas par prétention, mais parce que tu sais qu’elles ne sont pas bonnes pour toi. Tu ajustes tes tarifs de freelance, tu réécris ton discours, tu oses plus de choses. Et parfois, tu décides même de pivoter.

Parce que deux ans, c’est aussi le moment où certains freelances changent carrément de cap. Ils prennent une autre spécialisation. Ils se lancent dans la formation. Ils montent un projet à plusieurs. Ils se réinventent. Et souvent, c’est là que ça devient vraiment intéressant.

Moins de syndrome de l’imposteur, plus de recul

Autre grand changement qu’on observe souvent à ce stade : le syndrome de l’imposteur commence à baisser le volume. Il est toujours là (parfois, il parle un peu fort quand même), mais il ne dicte plus tout. Tu sais que tu as livré des missions. Que des clients sont revenus. Que tu as fait tes preuves, même à petite échelle.

Tu commences à avoir du recul sur ton propre parcours. Tu vois que tu as survécu à des périodes creuses, que tu as appris à rebondir. Tu as compris que ce n’est pas linéaire, que c’est normal de traverser des creux, des pics, des périodes d’incertitude. Et rien que ça, ça t’apaise un peu.

Tu n’es plus dans l’urgence de prouver, ni dans la course aux clients. Tu veux du sens, du confort, de l’équilibre. Tu commences à penser long terme. À t’autoriser à rêver plus grand. À créer des projets plus personnels. Tu reprends un peu de contrôle, là où la première année te mettait souvent en mode réaction.

On n'est jamais seul dans le cap des 2 ans

Ce qui est rassurant, c’est que ce cap des deux ans, on est nombreux à le traverser chez les indépendants. Et en parler avec d’autres freelances, ça permet de mettre des mots dessus. De se dire que non, on ne devient pas fou. Que c’est normal d’avoir envie de tout revoir. Que c’est sain de douter encore un peu. Que ce cap est une étape, pas une fin.

D’ailleurs, il y a souvent une belle énergie dans ces moments-là. Comme une prise d’élan. Tu ne sais pas encore exactement où ça va te mener, mais tu sens que tu es prêt·e à passer à une autre vitesse. À déléguer certaines tâches. À te faire accompagner dans ta stratégie. À confier la création de ta charte graphique et de ton logo à des personnes qui savent vraiment le faire. À assumer plus. À ne plus te cacher derrière des étiquettes. À envoyer des devis à des prix justes, en réelle corrélation avec le temps de travail nécessaire. À créer avec plus de liberté. Et la liberté, ça, c’est précieux.

Deux ans, et après ?

Alors non, il n’y a pas de recette magique, ni de checklist pour réussir sa troisième année. Mais si tu sens que tu es en train de changer, que tu veux te redéfinir, que tu doutes encore un peu, forcément, mais que ton enthousiasme, les retours que tu peux avoir ou les devis signés (à fêter une fois reçus) te montrent une chose : tu es exactement au bon endroit.

Ce cap des deux ans chez les freelances, c’est un peu comme une mue. Ce que tu étais quand tu as commencé, ce n’est plus tout à fait toi. Et ce que tu deviens, c’est encore en construction. Mais c’est justement là que tout se joue.

Alors prends le temps de faire le point, d’écouter ce qui bouge en toi, de t’entourer de personnes qui comprennent ce que tu vis. Et surtout, fais-toi confiance. Tu as déjà fait beaucoup. Et le meilleur reste à inventer.

Cœur.